Guy GILBERT
" Association Père Guy GILBERT Bergerie de Faucon "
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Lettre n° 84
(extraits)
Paris: juillet,
août, septembre, octobre, novembre et décembre 2009
« LUTTE ET AIME, LÀ OÙ TU ES! »
Ami(e),
C'est le titre d'un nouveau livre.
Quand arrêteras-tu de pondre, me diras-tu?
L’aventure de mes livres (trente-deux en trente et un ans) me
stupéfie moi-même. Un prêtre chez les
loubards (publié en 1978) m'a été demandé par Jean-Claude Barreau, alors
éditeur chez Stock. J'ai accepté avec appréhension, pensant qu'un livre était
une aventure périlleuse et unique.
J'ai récidivé au gré des demandes. Vous m'avez aidé immensément à
écrire. Des milliers de lettres m'ont poussé à continuer. Thèmes proposés,
louanges, critiques, mises en garde ont été des éveilleurs puissants pour faire
courir ma plume. Afin de toujours raviver dans le temps d'aujourd'hui
l'espérance qui dort, la foi qui sommeille, l'amour qui a tant besoin de
jaillir, quoiqu'il arrive.
Ce dernier livre m'a été inspiré par ma réponse à un instituteur
qui, à bout de souffle, voulait quitter l'école pour me rejoindre: « Lutte et
aime là où tu es », lui ai-je dit. Il est resté à son poste. C'est là où l'on
est que le combat de la vie doit être mené, avec ses dons, sa personnalité, ses
idéaux.
Puissent ces pages rejoindre ton militantisme qui que tu sois:
militant, religieux, athée, social, politique. Il réchauffera le mien, sois en
sûr.
De plus, quand tu sais que le fruit de la vente de mes livres
donne des salaires (dix par mois) à de jeunes adultes, tu participeras à
l'urgence du temps: donner la vie.
Je te dédie quelques extraits de mon livre Lutte et aime, là ou tu es!
L'Évangile, un
combat lumineux
L’Evangile appelle au combat, sans cesse. Pas avec un pistolet
6,35 ou une mitraillette, bien évidemment ...
Lutter d'abord contre ce qui nous renferme sur nous-mêmes, ou ce
qui nous pollue. Mes carnets personnels m'aident dans ce combat, depuis
cinquante-cinq ans que j'y note de mon écriture malhabile ce que mes maîtres
pointaient déjà du doigt: mes défauts, mes manques et mes faiblesses.
Lutter ensemble pour une société plus juste, plus égalitaire. On
sait que deux milliards de personnes n'ont qu'un repas par jour. Qu'un milliard
de gosses vont chercher l'eau potable à des kilomètres de leur maison. Et que
nos petits-enfants dans cinquante ans risquent de devoir survivre avec des
masques à gaz. Alors on lutte. Forcément.
Lutte sociale et politique. Pas partisane, mais ciblée. Mon
travail d'éducateur me fait voir l'origine
de la violence et du malaise des jeunes marginalisés. Je serais un salaud
de ne pas dénoncer les causes qui, chaque année, me valent l'envoi de plus de
cinq cents demandes de sauvetage de jeunes en péril.
Lutter pour prier. C'est-à-dire prendre du temps pour respirer
dans la forêt et sortir du cercle infernal de la violence qui me ceinture
chaque jour. La nature est un antidote souverain. Dieu m'apaise et me fait
repartir au combat pour soulager toute souffrance, apaiser, consoler, écouter,
tenir dans la durée. Aimer l'autre gratuitement.
Même si l'autre a toujours une part de vérité qui me manque, il ne sera jamais
un étranger.
La puissance de l'amour est invincible. Elle sauve tout. Mais quel
combat, mes aïeux!
La terre,
jardin de l'homme Contempler et
transformer
Que dit la Bible sur l'écologie? « Remplissez la terre, soyez les
maîtres des poissons de la mer, des oiseaux du ciel et de tous les animaux qui
vont et viennent sur la terre. » J'aurais aimé que la Genèse (ch. 1, v. 8) ait
une petite phrase sur le sanglier, mon animal préféré! La Genèse dit encore : «
Soumettez et travaillez à la sueur de votre front. » Les humains sont donc
chargés d'une mission à l'égard de la terre. C'est un commandement divin. Notre
tâche sur cette planète n'est pas une punition sans fin ou une malédiction.
Elle est une bénédiction. La Bible dit que l'homme n'est qu'un gérant, il n'est
pas le propriétaire de la terre.
L’écologie est une affaire politique et spirituelle.
Prenez le temps d'écouter le hibou
La nature reflète la beauté de Dieu et sa force. Admirez la beauté
de la nature, contemplez-la. Elle est un chemin vers la transcendance. On dit
que la question centrale est de savoir quel genre de terre nous allons
transmettre à nos enfants. On peut y ajouter une autre, aUSSI Importante: à
quels enfants transmettrons-nous la terre? Si nous aidons nos enfants à penser
la beauté de la terre, alors nous leur donnerons une terre qu'ils sauront
travailler et préserver.
La nature nous apprend à prendre du temps ... Un jeune m'a fait un
jour le cadeau de planter des bulbes de fleurs aux quatre coins de la
propriété. J'ai ainsi eu la surprise de tomber sur des tulipes, perce-neige,
crocus, narcisses et autres merveilles, parsemés au hasard de la main loubarde.
Une pure beauté!
Soixante ans de
droits de l'homme
Que pouvons-nous faire pour notre pays?
Lors de son discours d'investiture à la présidence des États-Unis,
Kennedy avait dit: « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour
vous, mais ce que vous pouvez faire pour lui. » Cette phrase a frappé les
esprits des Américains et elle est restée dans les mémoires.
Nous, Français, clamons nos droits. Observez aussi la mentalité
des jeunes. Ils ont des droits innombrables! Mais si vous prononcez le mot «
devoir », ils tombent en syncope.
Si nous n'avons que des droits, nous sommes des citoyens amorphes
et bancals. Je ne dirais pas ça des plus pauvres qui se les gèlent au coin de
la rue ou dans le bois de Vincennes. Leurs devoirs à eux se résument à crever
doucement loin de tout le monde. Heureusement que des gens viennent parfois les
secourir, dans les forêts ou sous les ponts des périphériques. Ils sont en
train de crever parce qu'ils n'ont pas eu de droit au logement. Si nous parlons
de droits de tout homme, alors tout enfant, tout vieillard, toute femme, tout
adulte est concerné.
Sauver ou périr
Chez les pompiers de Paris
Deux pompiers sont morts en service dans mon quartier. Ils sont
allés jusqu'au bout de leur devise: « Sauver ou périr ».
Certains de nos concitoyens ont des métiers où ils risquent leur
vie pour nous sauver. Nous devrions nous en souvenir plus souvent.
Policiers, au cœur de la souffrance humaine
On n'aime pas trop les policiers, mais ils sont sur tous les
fronts de la misère et de la violence. Deux mecs s'égorgent, un type bat sa
femme, un autre pète un plomb et tire sur tout ce qui bouge: c'est la police
qui arrive pour calmer le jeu. Dans ces cas-là, on appelle les policiers et
vous feriez de même. Mais quand vous fêtez votre anniversaire au champagne,
est-ce que vous appelez les policiers? On pense à eux uniquement en cas de gros
problème. Le reste du temps on les ignore, voire on les méprise.
Ce sont des métiers très exigeants. Toutes ces personnes qui
vivent à très haut risque à notre service ont besoin de notre regard fraternel,
de notre respect et de notre reconnaissance.
L'amour est
patient
Je m'adresse à tous les amoureux du monde. Tous les jeunes
amoureux, les vieux amoureux, les pas encore amoureux et les futurs amoureux :
je veux dire que l'amour est patient.
Quelle est la plus belle aventure de la vie si ce n'est l'amour?
C'est la plus grande, la plus belle, la plus noble, la plus ancienne et la plus
neuve.
L’amour est quelque chose d'extraordinaire. Mais c'est fragile. Et
il faut une patience d'enfer pour maintenir l'amour, avant et pendant. Qui
mieux que les anciens peuvent le proclamer? Des vieux dinosaures diront
combien, pendant trente, quarante, cinquante ans ou plus, ils ont cultivé une
patience extraordinaire vis-à-vis de leur conjoint. Quelle patience! J'ai vu
des couples qui s'aimaient tellement que lorsque l'un mourait, l'autre le
suivait dans les jours d'après. Ou parfois celui qui reste garde toute sa vie
le parfum de celui qui est parti. C'est superbe, l'amour!
Ayez la
patience du Christ
La culture de la patience est devenue une contre-culture, vouloir
être patient en amour actuellement, c'est vivre à contre-courant. Avez-vous
essayé de tirer sur l'herbe pour qu'elle pousse plus vite? Ou sur vos
géraniums? Vous savez que la croissance d'une plante nécessite un certain
temps, et que rien n'y changera. Il faut attendre patiemment pour voir arriver
les fleurs. En amour, c'est pareil.
Le Christ avait une patience merveilleuse. C'est très beau de
relire la passion du Christ sous l'angle de sa patience. Je me souviens de la
patience de ma mère. Autour de la table nous voulions tous lui parler en même
temps. Quand j'arrive à Faucon, les jeunes me sautent dessus de la même façon.
Ils m'ont appris la patience.
Que votre amour soit vrai, profond, qu'il se revête de tous les
synonymes de la patience: longanimité, tolérance, constance, persévérance,
capacité d'encaissement, confiance, amour gratuit, accueil aussi. Alors le
combat de l'amour - car c'est un combat -
apportera la joie à vous et à vos enfants.
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